« À chacun son bonheur »

Voici une croyance que j’ai très souvent entendue : « Le véritable bonheur est un chemin personnel, individuel, qui ne concerne personne d’autre que celui qui l’emprunte. C’est à cette personne de définir le chemin de son bonheur ».

Cette conception est terrible parce que, dès lors, toute remise en question devient impossible : la personne considère ne pas avoir besoin d’apprendre.

S’il est vrai que chacun doit décider pour soi et par lui-même ce qui crée le bonheur, alors pourquoi n’y arrivons-nous pas collectivement ? Pourquoi l’humanité est-elle dans cet état ? En vérité, c’est parce que le bonheur résulte plutôt de la connaissance de soi : il faut comprendre notre nature et connaître nos limites. En effet, l’être humain arrive sur Terre avec différentes facultés. Or, tout ce qu’il possède, s’il est mal utilisé, se retourne contre lui.

Regardons sommairement ces différentes facultés et leur rôle, en plus des conséquences dans nos vies si nous refusons de maturer affectivement.

1) Nous avons la faculté de penser, donc une dimension cognitive, nous permettant d’apprendre et de réfléchir. Toutefois, pour apprendre de belles choses, nous devons nous servir de notre raison pour discerner le bon du mauvais. Par exemple, si j’apprends à mon enfant la violence et la haine, en vérité, je l’envoie dans la direction opposée à son bonheur.

2) Nous avons aussi cinq sens, mais ceux-ci sont insatiables. C’est-à-dire que, si nous les gavons, si nous ne nous régulons pas, ils nous détruiront en nous conduisant à l’alcoolisme ou à l’obésité, pour ne nommer que ces deux exemples.

3) Nous possédons une affectivité (communément appelée un « cœur »). Pour nous guider vers le bonheur, cette affectivité doit apprendre à aimer : estime de soi, valorisation de soi et des autres, etc. Cependant, s’il est mal utilisé, ce potentiel, si merveilleux soit-il, va conduire l’être humain à l’opposé du bonheur, c’est-à-dire vers la carence affective et toutes ses terribles conséquences.

4) Ensuite, nous avons un merveilleux corps émotionnel qui, par ignorance généralisée, ressemble plutôt à la proverbiale « patate chaude », de laquelle on tente de libérer rapidement l’enfant : « Pleure pas pour rien… T’es jalouse du bébé, arrête-moi ça tout de suite, méchante ! … La colère, c’est pas beau ». À l’opposé, l’autre extrême existe aussi, où l’expression des émotions est valorisée : « Ah ! Laisse-toi pas faire, fâche-toi et défends-toi… Moi, en tout cas, mon enfant exprime ses émotions ! » À cette dernière expression, je répondrais : « Je comprends qu’il est en train de tout casser, et que tu attises sa violence par ignorance du rôle de l’émotion. » En vérité, l’émotion est un signal d’alarme pour que l’humanité se responsabilise à guérir ses patterns mentaux si négatifs.

Faute de conscience, ayant trop souvent appris à ne pas nous voir aller, nous projetons notre irrationnel sur autrui, tandis que nous critiquons les autres quand nous les surprenons à en faire autant. En réalité, avec une croyance comme : « À chacun son bonheur », nous restons cantonnés dans notre ignorance de la théorie de l’amour, qui est pourtant la même pour tous. Ainsi, nous contribuons à propager la violence de notre immaturité dans notre entourage : nos enfants en étant les premières victimes !

5) Enfin, nous avons un subconscient si formidable qu’il s’occupe d’enregistrer tous nos acquis et de faire de nous des êtres capables de spontanéité avec l’expérience. Nous n’avons donc plus besoin de réfléchir pour parler notre langue maternelle, pour écrire, pour lire ou pour marcher, etc. Malheureusement, étant donné que le rôle du subconscient n’est pas de discerner, mais plutôt d’emmagasiner, nous avons aussi intégré, à force de les répéter, des habitudes mentales nuisibles (patterns) comme le chialage, l’impatience, la frustration, la violence, etc.

La méconnaissance des facultés énumérées ci-dessus est le premier obstacle à la rencontre du bonheur. Il va sans dire que les gens sont généralement éloignés du véritable bonheur. Je ne le répéterai jamais assez : le bonheur s’apprend, et nous avons tous intérêt à nous y mettre afin de guider les générations à venir. Les parents sont l’école du niveau de maturité affective de l’enfant (et ses figures d’autorité). Affectivement, nous sommes donc véritablement le résultat de nos acquis, que ça nous plaise ou non de l’entendre.

Je rêve du jour où nous comprendrons que la vie est tellement plus importante que de « paraître aux yeux des autres », que de « faire » ou, dans ce contexte bien particulier de la COVID-19, que de souhaiter reprendre le « faire » pour rattraper le temps soi-disant « perdu » et « l’avoir ». Il reste à nous poser la question : pour qui et pourquoi voulons-nous remplir nos « greniers »?

Affectueusement,

Ginette Carrier

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