Cordonnier mal chaussé

Nous connaissons tous ce proverbe… Or, personnellement, j’ai mis des années avant d’en comprendre le véritable sens.

En 1986, j’ai tenté de m’inscrire au baccalauréat en travail social en tant qu’étudiante adulte, comme on en faisait la promotion à cette époque dans les universités. Je dis bien « tenté » puisque, pendant trois années consécutives, alors que je poursuivais mes cours à l’UQAM, on m’a refusé mon admission. Pourtant, pour le programme en travail social, j’avais à mon actif des années d’expérience pertinentes de travail sur moi pour me libérer de ma détresse affective et émotionnelle.

« Mais non, me répondait-on, ça ne fait pas partie de nos critères d’admission. Sur 1000 demandes, nous n’acceptons que 100 personnes par année selon les critères suivants : 50 % des personnes admises ont un diplôme d’études collégiales et 50 % ont déjà trois années d’expérience dans le domaine. »

Cherchez l’erreur : le cheminement personnel ne comptait pas !

Néanmoins, je restai sur les bancs de l’université en leur répétant l’absurdité de la situation et en revendiquant mon point de vue : « Qui de mieux placé pour comprendre et aider autrui que la personne qui a dû apprendre à se comprendre et à se sortir de sa souffrance ? »

De plus, comble de l’ironie, je constatais que bien des jeunes fraîchement diplômés du Cégep et admis en travail social grâce à leurs scores butinaient d’un programme à l’autre, vaguement convaincus de leur choix, pour finir par en disparaître !

Quant à certains des étudiants admis pour leurs trois années d’expérience, ils nous déconseillaient d’aller travailler pour des gens qui ne veulent pas s’en sortir et pour lesquels nous finirions par nous brûler.

À ceux-ci, je demandais : « Mais que faites-vous en travail social, si vous ne pouvez plus tolérer d’aider des gens qui ne veulent pas changer ? » Et leur réponse me faisait tomber de ma chaise : « On ne sait rien faire d’autre, et le diplôme d’études universitaires permettra d’être mieux payé. »

Cordonnier mal chaussé, disait-on…

Conclusion : si nous ne savons pas comment nous libérer de nos propres souffrances, comment aider l’autre à s’en libérer à son tour ?

À l’âge de 26 ans, je me posais déjà cette question, et, 35 ans plus tard, c’est par expérience que j’affirme qu’il nous faut obligatoirement avoir cheminé nous-mêmes pour aider une personne à guérir de sa souffrance affective, émotionnelle et comportementale. Par analogie, saurais-je enseigner le piano si je ne sais pas en jouer ?

Aujourd’hui, plus que jamais, j’endosse cette position. Par expérience, je sais maintenant que, d’un côté, il y a ceux qui croient bien aller (qui croient qu’ils n’ont pas de ménage à faire dans leur enfance) et, de l’autre, ceux qui savent que leurs parents, même avec les meilleures intentions du monde, n’avaient pas de cheminement personnel sur la gestion de leurs patterns négatifs, sur leurs déséquilibres émotionnels et affectifs.

Personnellement, je croyais avoir eu les pires parents du monde. Cependant, mon expérience en relation d’aide me permet aujourd’hui d’affirmer que nous avons tous eu des parents qui ne savaient pas comment se libérer des patterns négatifs de leurs propres enfances.

En outre, le monde des thérapeutes ne saurait déroger à cette règle incontournable : « Tu pourras donner aux autres que ce que tu auras préalablement appris. » Il faut toutefois préciser que tout apprentissage commence par une partie théorique, intellectuelle, et qu’il doit se compléter par une partie pratique : se dit-on médecin avant de réussir un stage pratique de plusieurs années ?

Selon moi, pour aider l’humain dans ses déséquilibres affectifs, émotionnels et cognitifs, le stage pratique exige du thérapeute de comprendre et de savoir comment se guérir de sa propre enfance. Concrètement, il faut avoir travaillé notre maturité affective et être suffisamment solide pour permettre à l’autre d’entrevoir le bout du tunnel. Autrement dit : savoir donner à l’être humain l’espoir que le but de notre vie est en vérité le bonheur et rien de moins !

Du reste, et j’ignore si c’est encore vrai aujourd’hui, mais, à l’époque, l’université enseignait à ne surtout pas montrer nos propres problèmes à la clientèle ! Entre « feindre le bonheur » et l’enseigner, il y a un monde de différences !

Bref, en relation d’aide, être cordonnier mal chaussé n’est pas une option !

Alors, afin de pouvoir nous épanouir dans la volonté d’aider les autres, il nous faut d’abord avoir pris en charge notre cheminement personnel. Oui, il faut que nos souliers soient impeccables !

Avec amour,

Ginette Carrier

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