Les fonctionnels et les dysfonctionnels

Quand je me rappelle qu’à l’âge de 14 ans, je me suis retrouvée du côté des « dysfonctionnels », j’éprouve une grande joie. Aux yeux de la société, les dysfonctionnels sont ceux qui dérangent, parce qu’ils n’arrivent pas à compenser leur vide affectif par le « paraître », le « faire » et «l’avoir».

Avant cet âge, je souffrais tout autant, mais le pattern du « faux gentil »* me faisait tout refouler. Ma « chance » aura donc été que des patterns, aussi destructeurs, mais dont les conséquences sont moins acceptables socialement, prennent le dessus : violence, frustration, intolérance, impulsivité, manipulation, vol, mensonge, haine. À l’époque, mes plus grands plaisirs étaient de me venger et de me soûler. Conséquemment, à 19 ans, je me suis retrouvée, fort heureusement, dans le cabinet d’un psychiatre. Il y a plus de quarante ans, la croyance populaire voulait que « c’étaient les fous qui avaient besoin d’aide ! »

Or, ce n’est pas tout le monde qui a eu la même « chance » que moi. Combien de jeunes, et de moins jeunes, sont restés trop longtemps prisonniers de leur souffrance ? En apparence, ils ne sont pas assez dysfonctionnels, et leur entourage leur répète qu’ils devraient pourtant se sentir heureux puisqu’ils ont tout : un bon mari, une belle job, une belle maison, des voyages… Et je pourrais continuer indéfiniment cette liste de « faire » et d’« avoir ».

D’ailleurs, ce que la société appelle les gens « heureux », ou les « fonctionnels », sont les personnes qui cherchent leur bonheur à l’extérieur d’eux-mêmes et qui continuent de confondre « plaisir » et « bonheur », et ce, toute leur vie. Leur ignorance laisse un vide intérieur qu’ils ne réussissent pas toujours à compenser dans leur course effrénée au « faire », à « l’avoir » et au «paraître». Inévitablement, la liste des suicides, des meurtres, des personnes médicamentées continue de s’allonger, et les victimes en sont de plus en plus jeunes.

Depuis 30 ans, je le répète inlassablement : les pensées que nous nourrissons nous nuisent et sabotent notre potentiel de bonheur. Même si nous expérimentons une foule de plaisirs, nous souffrons intérieurement. Nous sommes frustrés, voire enragés : contre le trafic ; contre les enfants qui ne sont pas assez polis, assez bons à l’école, pas assez bons dans la gestion de leurs émotions ; contre le patron qui ne reconnaît pas nos efforts, contre la femme qui se plaint ou le mari qui n’aide pas assez, etc.

Notre quotidien est donc meublé d’insatisfactions, de plaintes, d’anxiété, de déprime (pour ne nommer que ceux-ci). Malheureusement, une bonne partie des personnes prévenues continuent de banaliser leur souffrance, de se dire que ce n’est pas si pire que ça… Pourtant, on continue de croire que l’herbe est toujours plus verte chez le voisin, et la liste des couples brisés et des familles détruites ne cesse de s’allonger ! Oui, on continue de croire que nous allons finir par trouver la « bonne personne » qui nous rendra enfin heureux !

Non ! Croyez-moi, notre bonheur véritable ne viendra jamais des autres !

Qui plus est, les épreuves révélées par la COVID-19 volent les nombreux divertissements habituels et les façons de compenser qui nous gardaient étrangers à nous-mêmes. Elles ont permis de mettre l’être humain face à lui-même… De façon brutale, j’en conviens.

Si vous voulez expérimenter le bonheur, vous devrez comprendre qu’il vous exigera un travail de maturité affective !

Je souhaite que les épreuves occasionnées par la COVID-19 agissent comme des miroirs reflétant l’absurdité de continuer à négliger nos réalités émotive, affective et cognitive, et ce, au plus grand nombre de gens possible.

Sur ce, sachez que je ne nourris pas d’attentes : cette épreuve n’est pas la première que l’humanité traverse, et de nombreuses personnes reprendront leur vie exactement là où elles l’ont laissée, soit dans une course folle pour accumuler le plus de « faire » et « d’avoir », tout en négligeant l’essentiel : l’amour, le véritable chemin du bonheur !

Avec tant de compassion pour la souffrance de notre humanité !

Ginette Carrier

*« Faux gentil » : pattern de la personne qui refoule dans le but d’être aimé des autres.

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